Le Canada se targue d’être une société sûre et pacifique pour toutes et tous, mais ce n’est pas réellement le cas :
- 2,6 millions d’incidents de victimisation avec violence sont survenus en 2019
- Le taux d’homicides au Canada (1,8) est 50% plus élevé qu’au Royaume-Uni (1,2) et le double de celui de l’Allemagne (0,9)
- Le taux d’homicides chez les personnes autochtones est six fois plus élevé que celui des non-autochtones
- Un homicide sur quatre est attribuable à des gangs et un homicide sur cinq est commis à l’aide d’une arme de poing
- La proportion de victimes de genre féminin tuées par un partenaire intime est huit fois supérieure à la proportion de victimes de genre masculin
- Le taux de violence conjugale a augmenté de façon considérable durant les restrictions liées à la COVID-19
Des dépenses plus importantes pour la police et les prisons ne réduiront pas de manière significative la criminalité violente
- Le Canada dépense plus de 20 milliards de dollars par année pour les services de police, les tribunaux et les services correctionnels en réaction à la criminalité
- Les victimes subissent plus de 50 milliards de dollars en pertes économiques directes et en douleurs et souffrances
- L’augmentation continue des budgets pour les services de police et les prisons ne changera pas ces réalités de manière significative pour les victimes et les communautés impactées, comme le montrent les commissions nationales et l’expérience des États-Unis qui ont augmenté leurs dépenses en la matière (ainsi que l’absence d’impact découlant de la réduction de 20% des fonds octroyés aux services de police au Royaume-Uni) – voir la comparaison entre Toronto et Chicago.[ii]
- Augmenter la présence policière et les prisons est défavorable aux communautés autochtones, racisées et dignes d’équité parce que la police et les prisons sont utilisées de façon disproportionnée contre elles, mais aussi parce qu’elles ne sont pas protégées par la police et le système carcéral.
Investir dans des mesures de prévention éprouvées réduira de manière durable la violence de rue, la violence commise à l´aide d´armes de poing, ainsi que la violence fondé sur le genre
Contrairement à l’augmentation des dépenses policières et carcérales, une approche de prévention éprouvée qui s’attaque aux causes de la violence permettra de réduire les taux inacceptables actuels de criminalité violente. En effet, les études scientifiques
- sont largement disponibles à l’échelle internationale auprès de sources gouvernementales et intergouvernementales et de commissions scientifiques nationales, et elles confirment que la prévention mène à des réductions significatives; [iii]
- identifient les investissements efficaces dans des mesures de prévention qui améliorent l’avenir des jeunes défavorisés, incluant des programmes d’intervention auprès des jeunes, des cours qui enseignent des aptitudes de vie, du soutien parental, des interventions dans les salles d’urgence et des formations professionnelles; [iv]
- indiquent que la prévention est opportune, rentable[v] et populaire; [vi]
- Reconnaissent que la réduction de la victimisation est bénéfique pour les communautés autochtones, racisées et dignes d’équité, tout en réduisant l’impact de la police et des prisons sur leur vie. [vii]
La mise en œuvre réussie d’efforts de prévention doit s’appuyer sur les principes essentiels
La mise en œuvre de programmes éprouvés nécessite plus que des projets à durée limitée. Elle nécessite également :
- Les principes essentiels d’une planification intelligente qui font l’objet d’un consensus international, incluant le diagnostic, les solutions planifiées, l’évaluation, ainsi que le financement adéquat et soutenu; [viii]
- Des efforts de planification dirigés par un secrétariat ou une unité de réduction de la violence comme celle mise en place par Glasgow pour réduire la violence de 50% en cinq ans et qui s’étend maintenant dans les grandes villes comme Londres;
- Des stratégies qui limitent l’impact de la violence pour les communautés autochtones, racisées et dignes d’équité;
- Des stratégies qui répondent aux exigences de l’Ontario en lien avec la planification de la sécurité et du bien-être dans les collectivités, tel que le plan développé par la Ville de Toronto, mais qui nécessitent un financement soutenu et adéquat de la part des autres paliers de gouvernement;
- L’utilisation de données probantes, d’efforts multisectoriels et d’une bonne planification que le Canada endosse lors de réunions intergouvernementales et qu’il doit donc mettre en œuvre ici.
Aspirer à réduire la criminalité violente ne suffit pas
Le Canada s’est engagé à effectuer les transformations nécessaires pour atteindre les Objectifs de développement durable de l’ONU, qui comprennent des réductions importantes des taux d’homicides, de criminalité violente, de violences fondées sur le genre, et de violence contre les enfants d’ici 2030. Le Canada doit donc agir maintenant pour tenir ses engagements.
Comment le prochain gouvernement canadien peut-il réduire considérablement la criminalité violente d’ici cinq ans?
Le Canada pourra réduire considérablement la violence de rue, la violence commise à l´aide d´arme de poing et les violences fondés sur le genre d’ici cinq ans si le prochain gouvernement canadien mène les transformations nécessaires pour s’attaquer aux causes de la violence. Pour ce faire, il doit :
- Investir dans la lutte contre les conditions sociales et économiques qui sont à l’origine de la violence en augmentant les programmes qui ont démontré des réductions significatives en allouant 250 millions de dollars par an pour des programmes permanents de prévention en amont au lieu des 50 millions de dollars alloués pour des projets à durée limitée;
- Sensibiliser le public et former les décideurs de tous les paliers de gouvernement sur les meilleures pratiques à l’échelle internationale pour réduire la violence en allouant 50 millions de dollars par an pendant cinq ans;
- Mesurer et évaluer les résultats pour créer une culture axée sur les résultats visant une amélioration mesurable des sentiments de sécurité communautaire, une réduction des taux d’homicides, ainsi qu’une diminution du nombre de victimes de violences sexuelles et conjugales (mesurées à l’aide de sondages) et du nombre de victimes de violences admises dans les salles d’urgence des hôpitaux, en allouant 50 millions de dollars à Statistique Canada pour établir des indicateurs de rendement adéquats et former les décideurs quant à leur utilisation;
- Établir un bureau permanent pour la prévention de la violence, relevant du Premier ministre, pour diriger l’action dans tous les ministères concernés en partenariat avec les provinces, les territoires, les municipalités et les communautés autochtones, en adoptant une législation pour clarifier le leadership, la responsabilité et les objectifs d’un tel bureau.
Un investissement immédiat serait abordable et porterait fruit
Le coût annuel des investissements proposés ci-haut est de 350 millions de dollars, soit environ 5% de ce que le gouvernement fédéral dépense pour la GRC (5 milliards de dollars) et le Service correctionnel du Canada (2,5 millions de dollars). [ix] Une réduction de 25% des taux de criminalité violente, y compris une diminution de 50% des homicides (voir l’exemple de Glasgow), permettrait de réaliser des économies liées aux services de police et aux prisons de plus de 350 millions de dollars en cinq ans seulement, ainsi que des réductions significatives des préjudices causés aux victimes. [x]
_____________________________________________________________________
Notes infra-paginales
[i] Cette proposition pour le prochain gouvernement canadien d’utiliser des preuves scientifiques et des stratégies multisectorielles pour réduire de manière significative la violence de rue, la violence commise à l´aide d´armes de poing et les violences de genre a été rédigée par Irvin Waller, Audrey Monette et Alex Yeaman.
[ii] Voir Waller, 2019, pp. 40-46. Voir aussi les comparaisons entre Chicago et Toronto au https://bit.ly/3n5G8vn. Chicago et Toronto ont une population et une situation économique similaires, mais Chicago a enregistré plus de 700 meurtres en 2020 contre 70 à Toronto, bien que Chicago ait plus du double du nombre de policiers et est située dans un état avec un taux d’incarcération cinq fois plus élevé que le Canada.
[iii] Les sources incluent le Département de la justice des États-Unis, le British College of Policing, l’Organisation mondiale de la santé et des commissions nationales – voir Waller, 2019, pp. 23-36.
[iv] Voir Waller, 2019 pour les détails.
[v] Voir le rapport du Alberta crime reduction and safe communities task force au https://open.alberta.ca/publications/9780778569848
[vi] Voir Waller, 2019, pp. 59-94 et Waller et Monette, 2021.
[vii] Les éléments essentiels pour la planification sont identifiés par ONU Habitat, l’Organisation mondiale de la santé et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime; Waller, 2019, section 3; et Waller et Monette, 2021 au https://bit.ly/3n5G8vn.
[viii] Waller, 2019, pp. 126-136.
[ix] 5% ont été recommandés par deux comités parlementaires dans les années 1990, y compris https://preventingcrime.ca/wp-content/uploads/2015/05/HornerReport1993.pdf. Le gouvernement fédéral dépense annuellement 5 milliards de dollars pour la GRC et 2,5 milliards de dollars pour les services correctionnels, pour un total de 7,5 milliards de dollars. 250 millions de dollars pour la prévention éprouvée, 50 millions de dollars pour la formation et la sensibilisation et 50 millions de dollars pour les indicateurs font 350 millions de dollars ou approximativement le 5% recommandé.
[x] Voir Waller, 2019, pp. 183-200 et https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/2015-r022/index-fr.aspx